Editer au Sénégal, aujourd’hui

L' édition au Sénégal : la mare aux grenouilles 

Éditer au Sénégal, aujourd'hui

Quand les grenouilles veulent devenir plus grosses que les bœufs 

POUR UNE NOUVELLE  ÉDITION NATIONALE

Le Sénégal a connu très tôt l'édition, ou pour relativiser mon propos, la simple mise à disposition publique de livres, d'abord assurée par des imprimeurs, sur la demande de détenteurs de manuscrits, avec le nom du propriétaire de l'entreprise. De nos jours, l'accès au livre s'est diversifié, avec l'apparition, sur le marché de la culture, de nombreux éditeurs. Bien sûr, il faut saluer le rôle immense joué par les NEAS dans un passé plus ou moins proche, et principalement, aujourd'hui, par L'Harmattan, depuis au moins  une décennie. 

Il est temps de promouvoir une autre dimension de la création, au sein de l'édition nationale, en s'éloignant du mercantilisme parfois abject qui tue, chez nous, le véritable talent. Car il ne saurait  s'agir de tout publier, puisque parmi la multitude de ceux qui écrivent des romans,  par exemple, il y a une catégorie d'auteurs qui ne maîtrisent  pas les codes et qui manifestement n'ont pas les compétences attendues.

Notre édition (CFÉDI) qui s'inscrit modestement dans ce nouveau paysage éditorial ne fait pas le choix de la quantité, mais celui de la qualité. Ce n'est pas le nombre qui importe pour nous,  bien sûr nous n'en avons pas les capacités techniques et organisationnelles, à l'image des grandes maisons que nous avons citées. Nous cherchons, pour notre part, à repérer et à promouvoir la bonne graine d'écrivains, c'est notre vocation et notre seule raison d'être. Évidemment, il ne s'agit pas des auteurs qui sont dans l'empressement fiévreux  ou qui courent après les prix littéraires. 

En tout cas, la réorganisation institutionnelle s'impose à l'évidence, dans les domaines de la fabrication et de l'utilisation des technologies nouvelles, pour toute édition à vocation nationale.

LE TEMPS DES GRENOUILLES .

Il y a une sorte de perversion de la démocratie dans les lettres sénégalaises, qui peut transformer la récompense du mérite en marchandages et en favoritisme. Les subventions de L’État, allouées par le ministère de la culture,  risquent de perdre leur valeur, lorsqu'elles ne vont plus aux destinataires les plus légitimes, je pense aux écrivains d'abord, ensuite aux éditeurs..

Le constat presque unanime chez les vrais connaisseurs, c'est que le véritable art se meurt, au moment même ou des aides inattendues sont destinées aux prétendants à la dignité d'écrivain. 

Les émissions dédiées de Télévision et  de Radio constituent, paradoxalement,  une sorte de baromètre de l'absence de dynamisme véritable du secteur, par rapport au nombre d'acteurs enregistrés et aux ambitions déclarées,  où seules L'Harmattan et parfois les éditions abis, Edisal ou Feu de brousse sont réellement visibles, au milieu d'une pléthore d'éditeurs qui cherchent leur chemin, dans l'océan des mauvais livres.   

FAIRE VIVRE LA CHAÎNE DU LIVRE  

Qu’est-ce qu'être éditeur de nos jours au Sénégal  ? C'est rien de moins qu'avoir réussi à mettre en place les conditions administratives  de l'autorisation de se constituer comme telle. Il ne s'agit pas seulement d'avoir un local, il faut d'abord se doter d'un comité de lecture compétent,  c'est-à -dire capable d'apprécier à sa juste valeur la qualité d'une production et du personnel pour assumer le relais avec le monde lettré. C'est dire qu'il faut  procéder à la composition dune vraie équipe éditoriale, avec des membres qualifiés dans leur domaine d'expertise, de l'instruction du manuscrit à la fabrication du livre et à sa commercialisation.    

Il faut donc penser au circuit de la promotion par la création d'emplois. Car l'édition doit faire émerger des métiers spécifiques, à chaque niveau de la chaîne du livre. 

   Pr. Birahim Thioune - Écrivain