A la recherche de T.C. Elimane (suite)
Le Prix du mérite
La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr-Éditions Philippe Rey et Jimsaan.
Ce qui est frappant, chez cet auteur, c'est sa bonne fréquentation des livres et des auteurs de référence, de la littérature universelle. On ne peut pas prétendre être un bon auteur et produire des écrits littéraires de qualité, si on n'a pas beaucoup lu, ce qui n'est pas son cas. Pour le dire clairement, le vrai problème des nouvelles lettres africaines, malgré l'impressionnant foisonnement des textes proposés, c'est le déficit de la culture générale. Ceux qui prétendent représenter notre littérature d'aujourd'hui n'ont parfois lu, dans le meilleur des cas, que leurs livres au programme (pour ne dire que cela), lorsqu'ils faisaient l'apprentissage des lettres. L'exploitation de nombreux thèmes, nourris de l'influence d'oeuvres majeures, où apparaît bien le souci d'un très bon niveau de culture générale, a été menée avec pertinence dans l'ouvrage, La plus secrète mémoire des hommes, du romancier Mbougar Sarr. L'auteur exploite astucieusement des sujets comme :
- L’essence de la littérature (p. 22) et l'acte de lecture
Il faut observer que beaucoup d’écrivains ont répondu à la question "qu’est-ce que la littérature ?": Sartre, Genette, Barthes (France), Borges (Argentine), Umberto Eco (Italie). On pourra se référer à mon ouvrage Aminata Sow Fall par les textes, au sujet de l'acte de lecture et des compétences du lecteur (L 'Harmattan Sénégal, 2011).
- L' acculturation
Représentée à l'échelle individuelle ce thème peut être relié à celui du voyage ou de l’exil. A ce propos, l’attitude d’Assane Koumakh est révélatrice de son impact psychologique. Mobilisé à la Grande guerre, il va en Europe rempli de l'idéal républicain et de son amour pour la France et pour sa culture :
- Le voyage
La mort comme accomplissement d'un voyage, est un phénomène à plusieurs visages, dans le roman de Mbougar Sarr : un destin individuel (exemple : Assane Koumakh appelé sous les drapeaux) un désastre collectif (exemple : la guerre en Afrique centrale). Elle correspond à une disparition physique ou symbolique. Mais elle ne sépare pas deux mondes aux limites étanches.
Le voyage prend la forme de l'exil vécu, par des Africains ou des Latino-américains, hors de leurs pays d’origine; pour aller étudier, ou gagner leur vie ailleurs (p. 339).
Le voyage peut constituer un déplacement des forces vitales, à l’intérieur d’un mysticisme qui est aux antipodes de toute rationalité (p. 359).
- La folie
Plusieurs expressions de la folie sont décrites : la folie calme de Mossane, celle agitée de Mbar Ngom (p. 301/302), l’accès de "folie phobie" brutale de Madag, sa « haine des livres » (p. 444).
Pr. Birahim Thioune