Les secousses politiques sont toujours émaillées de volte-face et de sauts dans l'inconnu ou de retranchements derrière des barricades. Les élites vivent dans l'inquiétude pour leur avenir immédiat et le montrent, en perdant leur sang-froid. Le recours aux menaces de morts et aux agressions verbales et physiques en témoignent ; tout comme la montée des enchères et la production d'éléments de langage plus toniques, plus vigoureux et qui ont gagné en verdeur. Les analystes du discours verraient bien le passage, des discours réflexifs ou antiréflexifs à la tonalité et à l'acidité des discours fortement accusateurs, incisifs ou à la limite impétueux.
On ne peut plus faire malheureusement, aujourd'hui, l'économie d'une judiciarisation du discours "pseudo politique" (ou terroriste), pour freiner l'élan meurtrier de certains acteurs, souvent de simples anonymes en mal de "célébrité".
Les élites, aussi bien d'État que de l'opposition, prennent subitement peur de l'apparition de nouveaux enjeux, liés au contexte des élections législatives au Sénégal jugées capitales par tous les acteurs, enjeux qui se précisent chaque jour, dans la perspective ou l'éventualité d'un nouveau mandat présidentiel non "reformulée" - si cela s'avère nécessaire - par le principal concerné, mais très présente comme "non dit" ou "à dire ", dans l'implicite des discours partisans.
La première catégorie d'élites éprouve l'affront d'avoir été surprise et surtout humiliée par le déroulement, peut être prémonitoire, des événements ; la seconde semble tirer gloriole d'avoir instillé le doute et l'insécurité psychologique, chez celle d'en face, pour longtemps et dans l'absence de visibilité, devant un avenir lourd de menaces. Mais tout reste dans l'informulé, les réactions non verbales, plus que les discours publiques, faisant largement foi. Celles qui planent sur les élections législatives et sur celles plus lointaines de la présidentielle de 2024 devraient déboucher, si l'on en croit certains acteurs politiques majeurs, sur des promesses de reddition de comptes et de sanctions proférées dans un passé récent par une opposition jouant la carte de l'intransigeance. Encore une fois, rappelons-le à la suite de Me Abdoulaye Wade, il est capital de rassurer les acteurs étatiques, surtout dans la production d'éléments de langage conciliants mais fermes, de manière à les amener à céder démocratiquement le pouvoir, en cas de défaite électorale.
Il faut, dans le contexte actuel, s'attendre à des recompositions et combinaisons stratégiques, au sein d'un paysage politique truffé de pièges. L'avenir nous édifiera sur ce qui, pour nous, n'est qu'une projection commandée par notre présent, à partir des postures et positionnement en discours. Du reste, l'actualité demeure le seul repère sérieux, car demain n'est peut-être qu'un faisceau de voies, tout juste envisageables dans notre trajectoire nationale historique, par une démarche d'inférence, principalement à partir de déductions pragmatiques. (Cf. Territoires publics du discours et de l'image, B. Thioune, Amazon.fr 2020). La voie royale demeure le dialogue et la concertation qui excluent les manifestations de haine et demandent beaucoup d'humilité. En vérité, il y a un sérieux problème d'ego, comme principal obstacle à toute possibilité d'un dialogue régulier et franc, à l'endroit approprié, dans des conditions idoines et dans le cadre des lois en vigueur, entre interlocuteurs de même position hiérarchique, au sein des parties politiques en présence.
Pr.Birahim Thioune