Il importe de repenser les contours d'un retour du sacré républicain, de la sacralité dans l'espace politique, même chez ceux qui, chez nous, détiennent une certaine légitimité de porte-parole attitré d'une cause (chefs de groupes politiques reconnus, écrivains ou journalistes). Car une sorte de délitement gagne les mœurs politiques au Sénégal, et les symboles nationaux sont de plus en plus bafoués, entrainant une énorme fracture idéologique et sociale. C'est pourquoi, l'instruction civique et l'éducation citoyenne ne doivent plus être uniquement l'affaire d'une discipline scolaire ou de groupes assermentés. Le grand réveil citoyen devra incomber à tous, à partir d'une connaissance précise de l'esprit de nos symboles républicains. On peut retrouver d'ailleurs une continuité et une unité de sens, dans la lecture parallèle des différents éléments de cette symbolique nationale (sceaux, drapeaux, hymnes, etc.).
Ma conviction est que la qualité de notre vivre ensemble, au Sénégal, dépend de l'éthique communautaire, de la manière dont nous mettons en pratique les principes qui fondent notre République. Car dans cette optique, la culture de l'histoire politique doit constituer une exigence majeure chez les élites. Corrélativement, l'entourage des hommes au pouvoir doit faire l'objet d'une attention particulière : le nécessaire esprit critique et la vigilance du chef, sur les enjeux stratégiques, en constitueront les fondements.
Quant à la jeunesse du Sénégal, on connaissait depuis quelques décennies son désarroi et le niveau d'agrégation des colères juvéniles. Mais a-t-on soufflé à leurs oreilles, pendant leur période antérieure de somnambulisme avant la COvid 19 ? Toujours est-il qu'ils se sont réveillés de façon brutale, comme possédés par quelque esprit malfaisant. Peut-être aurait-il fallu nous soucier davantage de la nécessité de leur prise en charge psychologique, après la terrible pandémie. En tout cas, ils ont franchi les lieux protégés de nos consciences et arraché nos boucliers, nous mettant devant nos responsabilités de pères et de responsables du destin commun. Plus besoin de nous voiler la face, ni de justifier nos irresponsabilités. Il faut agir vite en leur faveur, pour éviter qu'eux-mêmes s'en chargent gravement, en stigmatisant ce qu'ils pourraient nommer "la tiédeur des pères".
Pour le moment, hélas !, ils paient un lourd tribut en vies humaines dans l'océan atlantique et dans les manifestations politiques, le prix fort en termes de santé mentale d'adolescents pervers et de tordus. Tous, nous devons réveiller nos consciences endormies, c'est la grande leçon que la jeunesse du Sénégal nous enseigne à bien des égards !
Pr. Birahim Thioune